domingo, 21 de março de 2010

LE CHAT FATAL.


Le Chat fatal
Un soir que je fouillais maint tome
Y recherchant quelque symptôme
De morne idée, un chat fantôme
Soudain sur moi sauta,
Sauta sur moi de façon telle
Que j'eus depuis en clientèle
Des spasmes d'angoisse immortelle
Dont l'enfer me dota.
J'étais très sombre et j'étais ivre
Et je cherchais parmi ce livre
Ce qu'ici-bas parfois délivre,
De nos âcres soucis.
Il me dit lors avec emphase
Que je cherchais la vaine phrase
Que j'étais fou comme l'extase
Où je rêvais assis.
Je me levai dans mon encombre
Et j'étais ivre et j'étais sombre.
Lui vint danser au fond de l'ombre,
Je brandissais mon coeur :
Et je pleurais : démon funèbre,
Va-t-en, retourne en le ténèbre
Mais lui, par sa mode célèbre,
Faisait gros dos moqueur.
Ma jussion le fit tant rire,
Que j'en tombai pris de délire,
Et je tombai, mon coeur plein d'ire
Sur le parquet roulant.
Le chat happa sa proie alerte,
Mangea mon coeur, la gueule ouverte,
Puis s'en alla haut de ma perte
Tout joyeux miaulant.
Il est depuis son vol antique
Resté cet hôte fantastique
Que je tuerais, si la panique
Ne m'atterrait vraiment ;
Il rejoindrait mes choses mortes
Si j'en avais mains assez fortes
Ah ! mais je heurte en vain les portes
De mon massif tourment.
Pourtant, pourtant parfois je songe
Au pauvre coeur que sa dent ronge
Et rongera tant que mensonge
Engouffrera les jours,
Tant que la femme sera fausse.
Puisque ton soulier noir me chausse,
Ô Vie, ouvre-moi donc la fosse
Que j'y danse à toujours !
Cette terreur du chat me brise ;
J'aurai bientôt la tête grise
Rien qu'à songer que son poil frise,
Frise mon corps glacé.
Et plein d'une crise émouvante
Les cheveux dressés d'épouvante
Je cours ma chambre s'évente
Des horreurs du passé.
Mortels, âmes glabres de bêtes,
Vous les aurez aussi ces fêtes,
Vous en perdez les coeurs, les têtes,
Quand viendra l'hôte noir
Vous griffer tous comme à moi-même
Selon qu'il fit dans la nuit blême
Où je rimai l'étrange thème
Du chat du Désespoir !
Emile Nelligan

3 comentários:

  1. Merci de cette découverte!
    J'avais déjà eu vent de ce poète sur le blog de Robert Rapilly, mais c'est la première fois que je le lis.
    Ces tournures archaÏques ont du CHArme !

    ResponderEliminar
  2. je ne suis pas très chat, mais il y en a toujours un pour se frotter contre mes jambes!!
    "ce qui ne devait pas être dit
    S'est glissé sur ma langue
    Où il ne devait pas aller
    Mon pied s'est rendu"
    Abbas KIAROSTAMI
    Poète iranien

    ResponderEliminar
  3. lettrenvrac.blogspot.com/2010/03/hermes-le-chat-noir.html

    Pour un amoureux des chats noirs, sur mon autre blog .

    ResponderEliminar